Les personnalites du XIV éme Arrondissement
Jean Daprai - Sous le signe du fantastique
Jean Daprai occupe une place à part : on ne peut le classer dans les divers courants de la peinture contemporaine. Son inspiration est toute personnelle : le cosmos intérieur qu'il nous restitue au fil des couleurs n'appartient á nul autre. Nul autre que lui n'a fait voyager ses pinceaux dans cet univers qui est à la fois fantastique, symbolique, étrange, mais réaliste et proche de notre sensibilité. Daprai est lui-même. Mais qui est-il réellement ?
Jean Daprai est né le 22 septembre 1929 à Rovereto, en Italie… avec un cæur d'artiste. Ses études secondaires sont résolument placées sous le signe de la peinture : il s'inscrit aux " Beaux Arts " de Milan, puis à l'Ecole d'Art Sacré de Cimabue. Pourtant, à vingt ans, à l'âge où les vocations peuvent devenir réalité, où les rêves exhalent un frais parfum de bohême et de romantisme, il s'engage dans la Légion Etrangère. Démobilisé en 1954, il s'établit à Marseille, puis monte à Paris en 1956, où il choisit le XIVéme arrondissement pour commencer une longue et brillante carrière artistique.
Au début, ses toiles ont une inspiration classique. Daprai se cherche, essaie de forger un style qui lui soit propre. Il tente peu à peu de distiller, dans les laboratoires de l'inconscient, sa part de rêve, de la transmuer en images, en couleurs. Il est à la recherche de la pierre philosophale.
L'artiste devient-il alchimiste ? Oui, en quelque sorte. Mais cet alchimiste, qui n'a pour tout instrument que ses pinceaux, ne nous offre pas un monde trouble, sombre ou inquiétant, perdu dans les arcanes d'une angoisse douloureuse. Des æuvres de Daprai émanent au contraire un charme reposant. Tout n'est qu'harmonie et sensibilité. Chacune de ses toiles apparaît comme un hommage à la beauté. Les visages, les cités fantastiques les ciels constellés d'astres se fondent en une vision émerveillée. C'est la réalité percue à travers le voile du fantastique.
Impressionnés par ses premiéres toiles, les critiques réservent à Daprai un accueil enthousiaste. Ils sont sensibles à sa facture classique de son dessin, à la sûreté de sa technique, à son sens de l'harmonie dans la couleur. En fait, derriére le visionnaire, se cache un peintre d'autrefois, un peintre comme on pouvait en trouver au temps de la Renaissance, un artiste soucieux du moindre détail, capable de restituer la beauté simple d'un corps humain, d'un visage ou la pureté d'un regard.
Le succès ne tarde guère, et la notoriété s'envole bien vite au-delà des frontières. La Suède, le Koweit ,le Vénézuela, l'Allemagne fédérale accueillent des æuvres de Jean Daprai. Les commandes arrivent du monde entier. L'artiste réalise le portrait du Shah d'Iran, celui du Roi du Maroc Hassan II, du Sultan de Brunai, de Salvador Dali etc.
Les honneurs arrivent également pour couronner son talent si original et personnel. Citons, entre autres, la médaille d'or du grand prix Léonard de Vinci (1973), les palmes d'or de la Reine Fabiola (1976), le grand prix Rubens de la ville d'Anvers (1977), la médaille d'argent de la ville de Paris (1979) …
Jour aprés jour, Daprai poursuit son æuvre dans son atelier du XIVème arrondissement. C'est en ce lieu que, patiemment, il ébauche ses cités radieuses, ses visions cosmiques, ses rêves mythologiques. Tableau après tableau, il semble que Daprai nous livre un message qui reflète sa propre métaphysique. Passé et futur, rêve et réalité s'entremêlent dans le long monologue intérieur de l'artiste - monologue solitaire et secret dont il nous tresse la quintessence colorée, harmonique, apaisante. Il nous apporte une réflexion sereine sur les grands mystères de la vie. Dans l'univers de Daprai, tout est romantisme, sensibilité, magie des formes et des couleurs.
Rimbaud prétendait posséder l'alchimie du verbe. Jean Daprai, dans sa quête quotidienne de la beauté cosmique, possède indubitablement l'alchimie d'une certaine pureté. Ses oeuvres, constellées d'amour, de sensibilité, de musique intéreure, de travail, en témoignent.
Certains le disent magicien. Ce qui est sûr, c'est qu'il a le secret du merveilleux et l'étoffe d'un artiste d'exception que le XIVème s'honore d'avoir pour hôte.
Philippe Leyder